Hommage à Pierre Mantha par Michel Lord

Nous reproduisons en cette page le texte intégral lu par M. Michel Lord aux funérailles de M. Pierre Mantha.

On m’a demandé d’évoquer rapidement la vie de Pierre du moins au cours des années pendant lesquelles j’ai été près de lui. Nous avions des choses en commun : la joie de vivre et chez Pierre elle était très communicative, les plaisirs de la table et des bons vins, ou encore la pêche aux saumons. Même au fonds des bois, Pierre emportait toujours une bonne provision de grandes bouteilles à boire le soir et même au shore lunch sur le bord de la rivière.

Mais Pierre a surtout été pour moi un ami très proche comme il le fut pour la plupart d’entre nous. Il savait nous convaincre de nous associer à ses projets et à ses causes les plus chères. Ma rencontre avec Pierre eut lieu il y a plus de 30 ans. Il arrivait de la direction du bureau de Price Waterhouse à Québec pour prendre charge des opérations de cette prestigieuse firme comptable pour l’ensemble du Québec. J’ai vite compris que Pierre partout où il passerait n’hésiterait pas à brasser la cage. C’est ce qu’il s’empressa de faire chez Price Waterhouse dès son arrivée à Montréal en 1984.

Désireux de s’impliquer dans la communauté, il devint à la même époque président du conseil d’administration du Théâtre du Nouveau Monde et il m’invita à le rejoindre. J’ai pu constater qu’il était un gestionnaire hors pair près à prendre le risque de secouer la poussière sous laquelle étouffait ce grand théâtre avec ses installations vétustes et son système de gestion dépassé. Une fois le TNM remis sur rail, il s’en éloigna pour exercer son leadership au Festival de théâtre des Amériques devenu le FTA, puis au musée Pointe-à-Callières, puis à la Fifa pour enfin créer la Fondation père Lindsay qui fut véritablement son œuvre et dont il est resté le bâtisseur jusqu’aux dernières heures de sa vie.

J’évoque en premier lieu l’implication soutenue de Pierre dans le domaine culturel parce que celle-ci a fait de lui un homme à part au sein du monde des affaires. Mettre son énergie débordante, son leadership, ses talents de gestionnaire, ses innombrables contacts professionnels, au service d’institutions culturelles majeures a été une constante tout au long de sa carrière et jusqu’à la fin abrupte de sa vie. Pierre était un passionné de diverses formes d’art dont il avait sans doute pris goût pendant son cours classique au Collège St-Laurent où sont nés les Compagnons de St-Laurent. Il garda de ce temps des amis fidèles, notamment le peintre et graveur André Bergeron, le poète et parolier Luc Plamondon, l’imprésario Guy Latraverse. Pierre aimait la musique, la danse, le théâtre, il parcourait les musées, collectionnait les œuvres d’art, s’intéressait à l’architecture et au design, se lia d’amitié avec Michel Dallaire et Albert Leclerc.

Pierre fut aussi un brillant homme d’affaires. Comptable agréé, honoré du titre de FCA, il se voyait surtout comme un consultant. Il créa au sein de Price Waterhouse un volet de consultation internationale qui mena sa firme en Haiti, puis en Afrique où j’ai eu la chance de l’accompagner, sur des mandats de la Banque mondiale. Un peu lassé de la gestion d’une grosse boîte de vérificateurs, il créa en 1989 sa propre firme de consultation en fusion et acquisition auprès d’une clientèle de PME. Il se révéla un entrepreneur de talent. Son expertise était recherchée. Financière Mazarin fut un succès, reconnu par des entreprises clientes comme la suissesse Oerlikon, et plus près de nous par le fabricant et détaillant de piscines Trévi, un leader dans ses marchés. Pierre fut d’ailleurs invité par Clément Hudon, son président et fondateur, à devenir le président du Conseil d’administration de Trévi, poste qu’Il a occupé depuis 2003 jusqu’à tout récemment et il est resté membre du conseil ensuite.

Pierre s’est impliqué avec la même ardeur dans la communauté des affaires, au sein de l’Association des diplômés des HEC, de la Chambre de Commerce de Montréal. Il fut l’un des principaux artisans de la fusion de la Chambre de Commerce et du Montreal Board of Trade ainsi que de la création, au bénéfice de la Chambre, de Stationnement Montréal dont il fut le premier président.

Il me faut, avant de terminer, revenir rapidement sur la Fondation père Lindsay, l’œuvre philanthropique dont Pierre fut le bâtisseur infatigable pendant les 20 dernières années de sa vie. C’est en 1996 que Pierre fit une rencontre décisive, celle du père Fernand Lindsay, l’homme et le musicien qui avait mis au monde et fait un succès du Festival international de musique de Lanaudière. Parce que j’étais du petit nombre de ses amis à se joindre à la Fondation à venir, je me souviens de l’excitation de Pierre à la suite de cette rencontre. Il avait été séduit par cet homme extraordinaire, par ses réalisations, et il fallait absolument lui venir en aide.

Toujours directeur du camp musical qu’il avait établi au nord de Joliette, à l’intention de jeunes élèves du primaire et du secondaire apprenant à jouer d’un instrument de musique, le père Lindsay se butait à des problèmes pratiques qu’il n’arrivait plus à surmonter. La plupart des bâtiments pour les professeurs de musique comme ceux pour les campeurs étaient en piteux état, nécessitaient des réparations urgentes ou devaient être remplacées. Les caisses étaient vides, la rentabilité était difficile à atteindre malgré la popularité du camp auprès des enfants et de leurs professeurs.

C’est alors que Pierre pris les choses en mains, créa illico une fondation pour recueillir des fonds, força la main du père Lindsay pour qu’il augmente les frais de séjour trop bas exigés des campeurs, puis créa un programme de bourse financé par la Fondation pour aider les jeunes dont les parents avaient des moyens financiers insuffisants. La recette fut un succès pour le camp et le demeure grâce au programme de bourses qui est toujours maintenu par la Fondation.

A l’instigation de Pierre, la Fondation multiplia les événements-bénéfices. Il en fut chaque fois le principal collecteur de fonds et se montra lui-même un très généreux donateur. Sa générosité a d’ailleurs été reconnue par le Camp musical père Lindsay qui a donné le nom de Mantha à l’un des deux nouveaux pavillons construits avec l’aide de la Fondation pour loger les professeurs et leur famille pendant leur séjour.

Pierre était un homme estimé et aimé. Il avait de très nombreux amis qui appréciaient son intelligence, sa joie de vivre, sa générosité. Quand il demandait, ce n’était jamais pour lui-même, mais pour les autres, pour les musiciens en herbe ou les jeunes musiciens exceptionnels qui, grâce à sa Fondation, feraient rayonner le Québec à travers le monde.

Merci Pierre.

Michel Lord,
Administrateur Fondation Père Lindsay